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14 juillet 2016

14 juillet 1789 - Prise de la Bastille


La prise de la Bastille, survenue le mardi 14 juillet 1789 à Paris, est l'un des événements inauguraux et emblématiques de la Révolution française.


Cette journée, durant laquelle la Bastille est prise d’assaut par des émeutiers, est, dans la tradition historiographique, considérée comme la première intervention d'ampleur du peuple parisien dans le cours de la Révolution et dans la vie politique française.

Le siège et la reddition de la forteresse royale s'inscrivent dans une période de vide gouvernemental, de crise économique et de tensions politiques à la faveur de la réunion des États Généraux et de leur proclamation par le Tiers en Assemblée constituante. L'agitation du peuple parisien est à son comble à la suite du renvoi de Necker (11 juillet) et du fait de la présence de troupes mercenaires aux abords de la ville.

Si son importance est relative sur le plan militaire, l'événement est sans précédent par ses répercussions, par ses implications politiques et son retentissement symbolique.

La forteresse était défendue par une centaine d’hommes qui firent près de cent morts parmi les assiégeants. Il y en eut six parmi les assiégés, dont le gouverneur de Launay. Cependant, la reddition de la Bastille fit l’effet d’un séisme, en France comme en Europe, jusqu'en Russie impériale.

D'emblée, l'événement est considéré comme un tournant radical dans le cours des événements par les Parisiens et le pouvoir royal. Il marque l'effondrement de l'administration royale et provoque une révolution municipale. La capitale puis le pays se mobilise derrière les Constituants. De plus, il est immédiatement mis en scène et célébré par ses partisans. Il revêt par la suite une charge symbolique extrêmement forte dans la culture politique républicaine.

La Fête de la Fédération fut organisée à la même date l’année suivante, pour coïncider avec le premier anniversaire de l’évènement. La date du 14 juillet fut choisie en 1880 pour célébrer la fête nationale française en souvenir de cette double commémoration.


Le 14 juillet 1789, la forteresse ne comptait que sept prisonniers : quatre faussaires, dont le procès était en cours d'instruction; deux fous, Auguste Tavernier et de Francis Xavier Whyte dit chevalier de Whyte de Malleville; le comte de Solages, un noble, criminel, enfermé à la demande de sa famille, probablement pour inceste.
Les autres prisonniers, comme le marquis de Sade ou Anne-Gédéon Lafitte de Pelleport avaient été transférés ou libérés peu avant. « Quasi vide sans doute, mais surchargée : surchargée de la longue histoire entretenue entre la monarchie et sa justice».
Ainsi, une légende noire enveloppait la forteresse et en faisait le symbole du despotisme ministériel ou de l'arbitraire royal. Cette image, dont témoigne les Cahiers parisiens explique pour une part l'« émotion populaire » de cette journée du 14 juillet.

Les révolutionnaires sont tellement déçus de trouver ces prisonniers en nombre si faible et manquant de prestige qu'ils en inventent un faux, appelé comte de Lorges, « un malheureux vieillard qui fut trouvé chargé de chaînes, à moitié nu, avec des cheveux et une barbe de divinité fluviale, au fond d'un cachot où ne pénétrait pas la lumière et dont les murailles suintaient l'humidité […]. Le misérable vieillard, qui gisait là depuis des années et des années, fut comme de juste porté en triomphe par les amis de la liberté aux acclamations d'un peuple en délire »

La légende noire d'une prison d'État
Le premier témoignage écrit sur la prison est le livre des pseudo-mémoires d'un calviniste français, Constantin de Renneville, qui livre une histoire fantasmée de la Bastille. Il en fait un bastion terrifiant du pouvoir arbitraire et inquisitorial et l'oppose à la Tour de Londres. Les récits « antibastillonnaires » se multiplient dans les années 1770 - 1780. Deux ouvrages publiés à l'étranger participent grandement à associer la Bastille et l'arbitraire  : Mirabeau avec Des lettres de cachet et des prisons d'État (Hambourg, 1782) et Simon-Nicolas-Henri Linguet, Mémoires sur la Bastille (Londres, 1783). Ce dernier ouvrage se fait fort de distinguer le « bon roi » justicier de ses mauvais et tyranniques ministres. Louis-Sébastien Mercier qui en donne une peinture effroyable dans son Tableau de Paris, prophétise sa chute dans l'An 2440, rêve s'il en fut jamais.

L’imagerie pré et post-révolutionnaire, notamment par les gravures, a largement contribué à entretenir le mythe d’une Bastille abritant des cachots où pourrissaient les victimes de la monarchie. Cependant, la Bastille avait perdu pour partie sa fonction de prison d’État. La plupart de ses détenus n'étaient pas des victimes de l'« arbitraire » royal, les lettres de cachet ne concernant des affaires d'État que pour une très faible minorité du corpus, de l'ordre de 4 ou 5 %.
La majorité de ses résidents était constituée de grands personnages et des jeunes gens incarcérés pour dissipation ou libertinage, le plus souvent à la demande de leur propre famille ou de leur entourage. Elle était enfin la forteresse qui rappelait dans le paysage parisien, l'usage que pouvait en faire le pouvoir en période de troubles, en particulier au cœur du populaire faubourg Saint-Antoine.

L'attitude de l'administration royale et du gouvernement
La Bastille où le baron de Besenval avait fait entreposer la poudre de l'arsenal, était connue pour sa faiblesse stratégique. Son gouverneur était désavoué par ses supérieurs et Besenval lui-même affirme avoir cherché à lui donner un remplaçant au début du mois de juillet. La situation exige des moyens humains et militaires supplémentaires. Broglie demande à son lieutenant de renforcer les effectifs de trente gardes suisses et envoie des canonniers pour examiner « si les pièces sont en état, et les servir, si cela devenait nécessaire, ce qui serait bien malheureux, mais est heureusement dénué de toute vraisemblance». La Bastille en 1789 est alors défendue par une garnison de 30 gardes suisses et 80 vétérans invalides de guerre.


La mobilisation populaire
Le peuple de Paris était inquiet depuis plusieurs jours, craignant que les troupes étrangères massées autour de la capitale depuis juin ne finissent par être utilisées contre les États-généraux ou pour servir un hypothétique massacre de la population des « patriotes ».
Les échos et la publicité des débats de l'Assemblée ont autant compté dans la mobilisation populaire que « la colère et des peurs cumulés dans les différentes strates de la population parisienne », peur d'un « complot aristocratique », peur de la disette alimentée par les fantasmes d'un « pacte de famine ».
Au 14 juillet, le prix du pain atteint son maximum depuis le règne de Louis XIV. La question frumentaire est au cœur de l'insurrection. Le portrait des émeutiers confirme ces préoccupations de subsistance. « Gens de métiers », artisans, commis de boutiques, les cortèges sont composés de salariés des faubourgs, père de famille, pour les deux tiers alphabétisés.

Les prémices du siège de la Bastille
Dès le 12 juillet, une milice bourgeoise de 48 000 hommes sans armes avait été constituée par l'Assemblée des électeurs de Paris, souhaitant éviter et maîtriser les débordements populaires et soutenir et défendre l'action de l'Assemblée nationale.


Le matin du dimanche 12 juillet 1789, les Parisiens sont informés du renvoi de Necker, la nouvelle se répand dans Paris. À midi, au Palais-Royal, un avocat et journaliste alors peu connu, Camille Desmoulins, monte sur une chaise du café de Foy et harangue la foule des promeneurs et l’appelle à prendre les armes contre le gouvernement du roi». Dans les rues de Paris et dans le jardin du Palais-Royal de nombreuses manifestations ont lieu, les bustes de Jacques Necker et de Philippe d’Orléans sont portés en tête des cortèges. Le régiment de cavalerie, le Royal-allemand charge la foule amassée aux Tuileries. On compte plusieurs blessés dont des femmes et enfants, et trois tués parmi les émeutiers23. En début de soirée, Pierre-Victor de Besenval à la tête des troupes installées à Paris, donne l’ordre aux régiments suisses cantonnés au Champ-de-Mars d’intervenir.

À une heure du matin, quarante des cinquante barrières (postes d’octroi) qui permettent l’entrée dans Paris sont incendiées. La foule des émeutiers exige la baisse du prix des grains et du pain. Une rumeur circule dans Paris : au couvent Saint-Lazare et à la Bastille seraient entreposés les grains ; le couvent est pillé à six heures. Deux heures plus tard, une réunion des « électeurs » de la capitale se tient à l’Hôtel de ville (ceux qui, au deuxième degré, ont élu les députés des États généraux). À leur tête se trouve le prévôt des marchands de Paris, Jacques de Flesselles. Au milieu d’une foule déchaînée, ils décident de former un « comité permanent » (appelé « municipalité insurrectionnelle », elle se substitue à la vieille municipalité royale26) et prennent la décision de créer une « milice bourgeoise » de 48 000 hommes, afin de limiter les désordres. Chaque homme portera comme marque distinctive une cocarde aux couleurs de Paris, rouge et bleu. Pour armer cette milice, les émeutiers mettent à sac le Garde-Meuble où sont entreposées des armes de collections anciennes.
Sur ordre de Jacques de Flesselles, on lance la fabrication de 50 000 piques. La foule obéissant aux ordres qui semblaient provenir du Palais-Royal, parlait de prendre la Bastille.
À 17 heures, une délégation des électeurs parisiens se rend aux Invalides pour réclamer les armes de guerre qui y sont entreposées. Le gouverneur refuse. La Cour ne réagit pas. Les électeurs n’obtiennent pas les armes.

Le 14 juillet, 10 h, les émeutiers s’emparent des fusils entreposés aux Invalides. Devant le refus de son gouverneur, une foule composite — près de 80 000 personnes dont un millier de combattants — se présente pour s’en emparer de force.
Pour défendre l’Hôtel des Invalides il existe des canons servis par des invalides mais ceux-ci ne paraissent pas disposés à ouvrir le feu sur les Parisiens. À quelques centaines de mètres de là, plusieurs régiments de cavalerie d’infanterie et d’artillerie campent sur l’esplanade du Champ-de-Mars, sous le commandement de Pierre-Victor de Besenval.
Celui-ci réunit les chefs des corps pour savoir si leurs soldats marcheraient sur les émeutiers. Informé de leur refus, Besenval décide d'abandonner sa position et de mettre ses troupes en route vers Saint-Cloud et Sèvres.
La foule escalade les fossés, défonce les grilles, descend dans les caves et s’empare des 30 000 à 40 000 fusils à poudre noire qui y sont stockés ainsi que vingt pièces de bouches à feu et d’un mortier. Les Parisiens sont désormais armés. Il ne leur manque que de la poudre à canon et des balles. Le bruit court qu’il y en a au château de la Bastille29,30,31. Besenval avait en effet donné l'ordre de stocker la poudre dans la forteresse.

Le siège de la Bastille
À 10 h 30, une délégation de l'Assemblée des électeurs de Paris se rend à la Bastille. Les membres du Comité permanent n'envisagent pas de prendre le bâtiment par la force mais souhaitent ouvrir la voie des négociations. Pressés par la foule des émeutiers, notamment ceux du faubourg populaire de Saint-Antoine où l'affaire Réveillon a été un épisode marquant de la pré-révolution, les électeurs envoient une délégation au gouverneur de la Bastille, Bernard-René Jordan de Launay. Ce dernier a pris soin de la mettre en défense en calfeutrant des fenêtres, surélevant des murs d'enceinte et en plaçant des canons sur les tours et derrière le pont-levis.

La délégation a pour mission de demander le retrait des canons et la distribution de la poudre et des balles aux Parisiens qui forment la « milice bourgeoise ». En effet, au-dessus du portail monumental de la Bastille construit en 1643, se trouve un arsenal, magasin d’armes et de poudre. Par mesure de sécurité, de Launay les fait déplacer la nuit précédente vers une cour intérieure. Cette délégation est reçue avec amabilité, elle est même invitée à déjeuner, mais repart sans avoir eu gain de cause. Cependant, la foule s'impatiente et certains imaginent que la délégation est retenue prisonnière. Ce quiproquo aggrave les tensions.

À 11 h 30, une deuxième délégation mené à l'initiative de Jacques Alexis Thuriot, accompagné de Louis Ethis de Corny, procureur de la ville, se rend au fort de la Bastille. Thuriot qui souhaite éviter un affrontement, presse les Invalides pour passer la seconde enceinte, inspecte les lieux et demande des garanties.
Le gouverneur s'engage à ne pas prendre l'initiative des tirs. La foule des émeutiers armée des fusils pris aux Invalides se rassemble devant la Bastille. Elle amène avec elle cinq des canons pris la veille aux Invalides et au Garde-Meubles, dont deux canons damasquinés d’argent offerts un siècle auparavant par le roi de Siam à Louis XIV. Ils sont servis par des militaires ralliés à la foule et tirent sur les portes de la forteresse.

Une explosion, prise à tort par les émeutiers comme une canonnade ordonnée par le gouverneur, déclenche les premiers assauts. Des émeutiers pénètrent dans l'enceinte par le toit du corps de garde et attaquent à coups de hache les chaînes du pont-levis.

À 13 h 30, les quatre-vingt-deux invalides défenseurs de la Bastille et trente-deux gardes suisses détachés du régiment de Salis-Samade ouvrent le feu sur les émeutiers qui continuent leurs assauts sur la forteresse, faisant une centaine de tués. Durant trois heures et demie, la Bastille est alors soumise à un siège régulier.

Une troisième délégation se rend à la Bastille à 14 h, dans laquelle se trouve l’abbé Claude Fauchet, suivi à 15 h d'une quatrième avec de nouveau Louis Ethis de Corny, accompagné de Louis-Lézin de Milly, son secrétaire, du comte Piquod de Sainte-Honorine, de Poupart de Beaubourg, Boucheron, Fleurie, Jouannon et Six.
Cette dernière délégation, voulue dans les formes par le comité permanent de l'Hôtel de Ville, affublée d'un tambour et d'un drapeau pour afficher son caractère officiel, se présente devant le marquis de Launay mais n’obtient toujours rien.
Pire, les parlementaires reçoivent une décharge de mousqueterie qui toucha la foule. Les soldats de la garnison de la Bastille et les assiégeants échangent des tirs.
Dans la confusion, même cette dernière délégation fut prise à partie par la foule des assiégeants. Les négociations sont dès lors closes, et c'est par la force que l'on compte prendre la forteresse.

À 15 h 30, un détachement de soixante-et-un garde-françaises sous le commandement de Pierre-Augustin Hulin et Jacob Job Elie, anciens sergents aux Gardes-Suisses se présentent devant la Bastille avec cinq canons. Ces canons sont mis en batterie contre les portes et le pont-levis du château.
L'attaque proprement dite de la forteresse débute.
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La reddition de la Bastille
À 17 h, la garnison de la Bastille rend les armes, sur promesse des assiégeants qu’aucune exécution n’aura lieu s’il y a reddition. De Launay n'a que peu de confiance sur les forces de ses garnisons et trop peu de vivres pour tenir un siège.

Les émeutiers, parmi lesquels on dénombre une centaine de tués et soixante-treize blessés envahissent la forteresse, s’emparent de la poudre et des balles, puis libèrent les sept captifs qui y étaient emprisonnés.
La garnison de la Bastille, prisonnière, est conduite à l’Hôtel de Ville pour être jugée. Sur le chemin, de Launay est massacré. Sa tête est découpée au canif par un garçon cuisinier nommé Desnot, avant d'être promenée au bout d'une pique dans les rues de la capitale. Les têtes de de Launay et de Jacques de Flesselles, prévôt des marchands de Paris sont promenées au bout d’une pique dans les rues de la capitale jusqu’au Palais-Royal.
Plusieurs des invalides trouvent aussi la mort pendant le trajet. De Flesselles est assassiné sur l’accusation de traîtrise.
Outre les prisonniers, la forteresse héberge les archives du lieutenant de police de Paris qui sont soumises à un pillage systématique. Ce n’est qu’au bout de deux jours que les mesures sont prises par les autorités afin de conserver ces traces de l’histoire.

Même Beaumarchais, dont la maison est située juste en face, n’avait pas hésité à puiser dans les papiers. Dénoncé, il doit d’ailleurs les restituer.

À 18 h, ignorant la chute de la Bastille, Louis XVI ordonne aux troupes d’évacuer Paris. Cet ordre est apporté à l’Hôtel de Ville à deux heures du matin.

Les prisonniers libérés
Les prisonniers étaient au nombre de sept :
Auguste-Claude Tavernier qui avait tenté d'assassiner Louis XV lors des chasses en forêt de Sénart et qui était enfermé depuis le 4 août 1759, soit depuis 30 ans.


Le comte Jacques-François Xavier de Whyte de Malleville, atteint de folie et enfermé à la demande de sa famille.

Le comte de Soulages emprisonné depuis 1767 à la demande de son père pour des « actes monstrueux » (probablement inceste).

Quatre faux monnayeurs : Jean Lacorrège, Jean Béchade, Jean-Antoine Pujade, Bernard Larroche.

Les faux monnayeurs disparurent dans la foule dès leur libération.
Les trois autres furent portés en triomphe dans les rues.
Les deux premiers furent de nouveau incarcérés dès le lendemain à l'hospice de Charenton.
Le comte de Soulages regagna son pays près d'Albi où il décéda vers 1825.

Réactions des contemporains
Le 14 juillet 1789, en rédigeant son journal intime, le Roi qui revenait d'une partie de chasse, écrira pour cette même date : « Rien » car il était revenu bredouille de la chasse. En effet, la matière ordinaire de son journal était composée de chasses, réceptions, cérémonies civiles ou religieuses, voyages, etc. 

De plus ce carnet a aussi servi le 17 juillet pour indiquer que le roi s'était rendu à l’Hôtel de Ville de Paris.

La légende rapporte que le Roi ne put être tenu informé des événements parisiens le jour même. Ce n'est que le lendemain, à son réveil le 15 juillet à 8 heures, à Versailles, que le duc de La Rochefoucauld-Liancourt annonça à Louis XVI la prise de la Bastille.
Le dialogue suivant a souvent été cité par les historiens du XIX :
— « C’est une révolte ? » demanda Louis XVI.
— « Non sire, ce n’est pas une révolte, c’est une révolution. » répondit le duc de La Rochefoucauld.


Néanmoins, il est avéré que dès le jour même Versailles et le roi étaient au courant de la prise de la Bastille.
Le récit est de la marquise de La Rochejaquelein: « Le 13 juillet 1789, les régiments de Bouillon et de Nassau arrivèrent à Versailles. On les logea dans l'Orangerie ; nous fûmes les voir. Le lendemain, 14 juillet, une foule brillante et nombreuse se promenait dans le parterre du midi, au-dessus de l'Orangerie. Les officiers avaient rassemblé la musique, qui jouait des airs charmants ; la joie brillait sur tous les visages : c'était un tableau ravissant ; mais jamais je n'oublierai le changement subit qui s'opéra. Nous entendîmes d'abord des chuchotements. M. de Bonsol, officiers des gardes du corps, vint à nous, et dit tout bas : Rentrez, rentrez, le peuple de Paris est soulevé ; il a pris la Bastille ; on dit qu'il marche sur Versailles. Nous nous dirigeâmes aussitôt vers notre appartement. Partout la crainte succédait à la gaieté, et en un instant les terrasses furent désertes . »
On note par ailleurs une première vague d'émigration massive au lendemain de la prise de la forteresse.
Le 16 juillet, le comte d'Artois et le prince de Condé, colonel général de l’infanterie, avaient déjà gagné les frontières du royaume. S'ensuivent les départs des principaux Secrétaires d'États, de Villedeuil, de Broglie et de La Vauguyon.

L'Armée royale
Un fossé déjà ancien s'est creusé davantage au sein des armées royales après les événements parisiens. Les officiers n'ont plus confiance en leurs hommes.

Le 14 juillet cinq de six bataillons des Gardes-Françaises s'étaient mutinés et certains avaient rejoint les émeutiers. La semaine précédant les événements, on dénombrait déjà soixante-neuf désertions dans le Régiment de Provence et vingt-neuf dans celui de Vintimille.

Le régiment allemand Royal-Hesse-Darmstadt, alors cantonné à Strasbourg apprit la prise de la Bastille le 23 juillet 1789. Il accueillit la nouvelle avec force joie et tapages, ce qui lui valut d'être envoyé en garnison à Neufbrisach. Néanmoins, son ardeur patriote (il fut le premier à adopter la cocarde tricolore) lui valut un retour triomphal à Strasbourg, où il fut acclamé par les bourgeois de la ville.

Les observateurs étrangers
Dès le 16 juillet, le duc de Dorset, ambassadeur d’Angleterre et familier du comte d’Artois, écrivait au Foreign Office : « Ainsi, mylord, s’est accomplie la plus grande révolution dont l’Histoire ait conservé le souvenir, et, relativement parlant, si l’on considère l’importance des résultats, elle n’a coûté que bien peu de sang. De ce moment, nous pouvons considérer la France comme un pays libre. »

Pour Charles James Fox, c'est « le plus grand événement qui soit jamais arrivé au monde »

Ce spectacle inouï provoque chez Edmund Burke un tel étonnement qu'il ne sait s'il doit y souscrire ou le condamner.