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12 mars 2020

Le mariage de Napoléon et Marie-Louise.

Le 20 décembre 1809, Napoléon Ier divorce de Joséphine de Beauharnais car elle ne lui donne pas d'enfant. Les doutes sur sa propre stérilité sont levés : il a en effet un fils avec Éléonore Denuelle de La Plaigne et Marie Walewska attend également un enfant de lui.



À la suite d'une tentative d'assassinat, il devient soucieux de fonder une dynastie en ayant une descendance légitime. Il cherche donc vite à se remarier.

Après avoir écarté les candidates françaises, deux candidates arrivent en tête de liste : la grande-duchesse Anna Pavlovna Romanova, âgée de 14 ans, sœur du tsar Alexandre Ier de Russie, et l'archiduchesse Marie-Louise, 17 ans, fille de l'empereur d'Autriche. Vexé par le peu d’enthousiasme montré par la cour de Russie et convaincu par l'activité diplomatique du comte de Metternich, qui craint une alliance entre Paris et Moscou et qui a persuadé François II de donner sa fille à son ennemi, Napoléon tranche en repoussant l’alliance russe.

Napoléon accepte donc l'offre de l'empereur d'Autriche, qu'il a contraint à la paix après la difficile victoire de Wagram. Ce mariage a aussi pour objectif d'apaiser les relations entre la France et l'Autriche, qui ont connu 18 ans de guerre.

Les démarches sont entreprises par l’intermédiaire de l’ambassadeur d’Autriche à Paris Charles Philippe de Schwarzenberg et la demande officielle est faite à Vienne le 7 mars par le représentant de Napoléon, Louis-Alexandre Berthier, prince de Neuchâtel, époux d'une princesse de Bavière et depuis peu prince de Wagramb. Lorsque Metternich informe officiellement l'archiduchesse de son prochain mariage, Marie-Louise se plaint auprès de son père qui se justifie en disant que l'accord a été pris par ses ministres, sans qu'il n'en sache rien - il est pourtant peu probable que les négociations aient été menées sans qu'il en soit informé. Marie-Louise accepte alors de se « sacrifier pour le bonheur de l'État ».

Un mariage est d'abord célébré par procuration, dans l'église des Augustins à Vienne, le 11 mars 1810, comme le veut la tradition de l'Ancien Régime et plus particulièrement celle appliquée pour le mariage de Marie-Antoinette d'Autriche. Le témoin de Napoléon est son ancien ennemi l'archiduc Charles, oncle de Marie-Louise et ancien commandant des troupes autrichiennes qui ont tenu tête à Napoléon à Essling, mais ont été défaites à Wagram. L’archevêque de Vienne accorde la bénédiction nuptiale et bénit douze anneaux de mariage car on ne connaît pas le tour du doigt de Napoléon.

Marie-Louise quitte Vienne le 13 mars. Le grand rite de « remise de l'épouse » est fixé au 16 mars près de Braunau. Napoléon souhaite que la cérémonie suive le protocole utilisé quarante ans auparavant pour Marie-Antoinette. La jeune princesse autrichienne passe successivement dans trois petites pièces temporaires en bois (chambre autrichienne, chambre neutre et chambre française) : dans la première, elle se déshabille ; dans la seconde, elle se revêt de vêtements apportés par la cour impériale française et est accueillie par la plus jeune sœur de Napoléon, la reine de Naples Caroline Bonaparte; dans la troisième, elle devient véritablement française en passant en Bavière, alliée de la Franced.

Des réceptions en son honneur ont lieu à Strasbourg et Nancy, la rencontre avec l'empereur étant prévue à Soissons le 28 mars. Impatient, l'empereur ne se contient pas et va à la rencontre du carrosse à Compiègne, où ils arrivent le 27 mars à 21h30. Marie-Louise est alors présentée à la cour.
Napoléon décide d'enfreindre le protocole : le soir même, il initie sa jeune épouse à ses devoirs conjugaux non sans avoir demandé à l'évêque de Nantes si le mariage par procuration à Vienne lui confère les droits du mari sur sa femme. Ayant reçu une réponse positive, il décide de s'unir avant la cérémonie à Paris. Après avoir vérifié les intentions de la mariée, Napoléon charge sa sœur Caroline de rappeler brièvement le rôle de la femme durant cette nuit.

Napoléon évoque plus tard cette nuit au cours de son exil à l'île d'Elbe : « Je suis allé vers elle et elle fit tout en riant. Elle a ri toute la nuit ». Le lendemain matin, béat, il glisse à son aide de camp Savary : « Mon cher, épousez une Allemande, ce sont les meilleures femmes du monde, douces, bonnes, naïves et fraîches comme des roses ! ».

Les noces officielles au Louvre

Le 1er avril 1810, l’union civile est célébrée dans la Grande Galerie du château de Saint-Cloud en présence de la Cour et de la famille impériale. Napoléon songe d’abord à se marier à Versailles, mais il choisit le palais où, en 1799, il a accompli son coup d’État en s’autoproclamant Premier Consul de la République. Cinq ans plus tard, encore une fois à Saint-Cloud, il est nommé empereur. Au cours de la cérémonie, la première scission avec le collège des cardinaux se produit : seize cardinaux prennent part à la noce, treize refusente.

Le lundi 2 avril 1810, Paris accueille Marie-Louise avec faste sous une maquette grandeur nature de l'Arc de triomphe de l'Étoile. À 40 ans, revêtu de son costume impérial, Napoléon épouse l'archiduchesse d'Autriche Marie-Louise, âgée de 18 ans, dans le Salon carré du Louvre, transformé pour l’occasion en chapelle par l’architecte Pierre Fontaine. Le mariage est consacré par l'oncle de l'empereur, le cardinal Fesch.

Le fossé avec le clergé est devenu plus évident car en plus de l'absence des treize cardinaux, trois autres se joignent à ceux qui ne veulent pas assister au mariage. Napoléon est encore sous le coup d'une excommunication qu'il a reçue en 1809, et il est considéré par eux comme « bigame » en l'absence de la ratification du pape Pie VII pour son divorce avec Joséphine de Beauharnais. Napoléon est mécontent de cette rébellion et il fait placer les cardinaux récalcitrants sous surveillance policière en province. Le mécontentement touche aussi la cour : les sœurs et belles-sœurs de Napoléon se refusent à porter la traîne de « l'Autrichienne », surnom de Marie-Louise comme autrefois on appelait Marie-Antoinette. L'impératrice ne sait pas qu'on parle d'elle de cette manière déjà dans tout Paris : les bonapartistes préfèrent Joséphine, les républicains la haïssent en sa qualité de nièce de la reine décapitée, les monarchistes ne pardonnent pas de donner avec ce mariage une sorte de légitimité à la famille Bonaparte. Marie-Louise est loin de se douter de l'animosité que son mariage a généré.

Les célébrations sont importantes et très coûteuses. Les feux d'artifice, ouvrage de Ruggieri illuminent le ciel de Paris. Tirés aux Champs-Élysées « depuis la place de la Concorde jusqu'à la barrière de l'Étoile », ils excitent l'admiration générale. Douze buffets occupent le Cours la Reine et près des Champs-Élysées, des fontaines jaillissent pendant vingt-quatre heures. Puis, pendant trois semaines, les époux vivent leur voyage de noces dans les provinces belges et hollandaises, anciens territoires autrichiens dans lesquels la nouvelle impératrice est chaleureusement accueillie.

Napoléon s'amourache rapidement de Marie-Louise, dont il admire la noblesse de la naissance et les vertus domestiques. Marie-Louise se révèle une épouse idéale pour l'empereur, elle a été formée à obéir dès son enfance, elle est dévote, affectueuse et ne s'ingère pas dans les affaires politiques. Marie-Louise est une « enfant délicieuse », elle tutoie son mari à la grande surprise des courtisans et elle l'appelle « Nana » ou « Popo ». Metternich tente d'influencer l'impératrice afin d'exercer un certain contrôle sur son mari et l'amener à une politique pro-autrichienne, mais Marie-Louise refuse.

Bien qu'appréciée par l'empereur, Marie-Louise est, pour les Français, la nouvelle « Autrichienne ». Dans ses lettres adressées à son père, elle dit être heureuse mais laisse parfois transparaître une certaine amertume. Le poète Lamartine en parle comme d'« une statue de la mélancolie du septentrion abandonnée au milieu d'un camp français, parmi le fracas des armes ».

Aux Tuileries, quatre pièces, dans lesquelles Marie-Antoinette a vécu pendant la Révolution française, lui sont réservées. Marie-Louise ne se sent pas à l'aise dans ce pays1 et, comme l'indique Napoléon dans ses mémoires, « elle avait toujours peur d'être parmi des Français qui avaient tué sa tante ». L'impératrice n'aime pas l'atmosphère de la cour et tout ce cercle de nobles complaisants et accommodants. Dans son journal, elle écrit : « Je n'aime pas qu'ils me flattent en ma présence, surtout quand l'éloge n'est pas vrai, comme quand ils me disent que je suis belle ». Toutefois Marie-Louise trouve pour amie sa première dame de compagnie, la duchesse de Montebellog, veuve depuis peu du maréchal Lannesh (fait duc par Napoléon et tombé au champ d'honneur à Essling c'est une femme droite mais qui ne se remet pas de la mort de son mari et qui considère l'empereur comme le principal responsable).

Les courtisans ne tardent pas à mépriser l'impératrice : Marie-Louise est très timide, n'a pas le charme et la désinvolture de l'impératrice Joséphine et, contrairement à cette dernière, elle préfère l'intimité de sa vie privée à la société parisienne. Femme du xixe siècle alors que Joséphine est une femme du xviiie siècle, Marie-Louise se contente de jouer le rôle de première dame aux côtés de son mari, montrant l'attitude droite et docile apprise à la cour de Vienne.

La jeune impératrice entre rapidement en conflit avec le clan corse des Bonaparte qui, avant elle, avait manifesté la même haine envers Joséphine. Si la mère de Napoléon, Maria Letizia Ramolino, se contente de lancer des regards méprisants à la jeune femme inexpérimentée, ses filles font en sorte de la ridiculiser auprès de la Cour. La seule personne avec qui elle a de bons rapports est Hortense de Beauharnais, reine de Hollande. Quant à Joséphine, Marie-Louise la craint et ne souhaite pas la rencontreri.

Les deux impératrices sont très différentes et Napoléon, lui-même, les compare : « Chez l'une - Joséphine - tout est art et grâce, chez l'autre – Marie-Louise – c'est l'innocence faite personne », Joséphine est restée « toujours plus ou moins loin de la vérité » tandis que Marie-Louise « ne sait pas simuler et ne s'éloigne jamais de la vérité ». Une autre grande différence entre les deux concerne les dépenses de Cour en robes et bijoux : Joséphine dépasse même Marie-Antoinette, déjà célèbre pour son extravagance, et par exemple, entre 1804 et 1806, elle dépense 6 647 580 francs. Marie-Louise reste toujours en dessous des 500 000 francs qui lui sont accordés.

Dans la vie privée, l'impératrice se consacre aux activités qui avaient rempli ses journées à Vienne et que Napoléon apprécie. Elle continue à s'occuper de broderie et de travaux de couture ; jouer des instruments reste une de ses activités favorites et elle se consacre à la harpe, au clavecin et au piano. Ferdinando Paër lui donne des cours de chant et Marie-Louise l'aide à Paris dans sa carrière : en 1812, il devient directeur du théâtre de l'Opéra italien et du théâtre de l'Impératrice. Prud'hon et Isabey sont ses professeurs de dessin. La lecture est un passe-temps important, mais c'est également un outil d'apprentissage et d'éducation. Bien que critiquées, elle aime lire les œuvres de Chateaubriand : Atala, René et le Génie du christianisme.
Elle s'adonne aussi, quoique avec plus de réserves, à la lecture de textes plus frivoles comme ceux de Madame de Genlis et de Restif de la Bretonne, dont elle n'aime pas la coquetterie typiquement française.

Marie-Louise donne une grande importance aux repas et est gourmande. Elle aime jouer au billard, se promener dans les jardins de l'Élysée, courir à cheval à Saint-Cloud. Les chasses ne la passionnent pas, elle les suit seulement en carrosse. Concernant Versailles, elle est partagée : elle aime le parc du Petit Trianon, qui lui rappelle Laxenbourg, mais l'atmosphère lui semble imprégnée de la défunte Marie-Antoinette.
Ayant grandi dans l'ambiance dévote de Vienne, Marie-Louise se rend à la messe du dimanche et des différents jours fériés religieux. Dans les limites consenties par son mari et sous le strict contrôle de l'appareil d'État, elle s'occupe aussi de charité.


En juillet 1810, trois mois après la première nuit passée à Compiègne, Marie-Louise écrit à son père qu'elle est enceintej. La grossesse ne présente pas de problèmes particuliers et le titre de l'enfant est déjà choisi : le roi de Rome si c'est un garçon, la princesse de Venise s'il s'agit d'une fille — non souhaitée. Des complications ont lieu lors de l'accouchement qui dure douze heures : l'étiquette impériale interdisant la présence d'une sage-femme, c'est l'accoucheur attitré le docteur Antoine Dubois qui officie, sans l'aide initiale du médecin personnel de l'empereur, Jean-Nicolas Corvisart, qui est allé se coucher. La poche amniotique ayant crevé, les vies de l'enfant et de la mère sont menacées. Le docteur Dubois demande alors à Napoléon Ier qui sauver en cas de danger. Napoléon dit alors de sauver en priorité la mère : « Allons donc, ne perdez pas la tête : sauvez la mère, ne pensez qu'à la mère... La nature n'a pas de loi, Monsieur : faites comme s'il s'agissait d'une petite bourgeoise de la rue Saint-Denis. Conduisez-vous exactement comme si vous attendiez le fils d'un savetier » répond l'empereur à Dubois, contrairement à l'usage qui est de sauver l'enfant ce qui équivaut à sauver l'alliance autrichienne, Napoléon pensant que Marie-Louise pourra lui donner d'autres héritiers.

Dubois, qui a fait appeler Corvisart, doit notamment utiliser « les ferrements » (forceps) car l'enfant naît par les pieds, ce qui fait hurler Marie-Louise. Ainsi naît, à 9h15 du matin le 20 mars 1811, l'héritier tant attendu, Napoléon François Charles Joseph Bonaparte, roi de Rome, mais « sans donner aucun signe de vie ».
Corvisart arrivé sur les lieux trouve le nourrisson posé à l'écart sur le plancher, Dubois s'occupant uniquement de la mère. Corvisart le fait frictionner et l'enfant jette enfin un cri au bout de sept minutes. Marie-Louise a beaucoup souffert et les médecins déconseillent d'autres grossesses ce qui renferme un peu plus l'impératrice dans ses appartements. Le nouveau-né est rapidement confié à sa gouvernante, Mme de Montesquiou.

Le 9 juin 1811, dans la cathédrale Notre-Dame, Napoléon François Charles Joseph est baptisé. Ses prénoms rendent hommage à son père, son grand-père maternel, son oncle, Joseph Bonaparte et son grand-père Charles Bonaparte. Ses parrains sont le duc de Toscane Ferdinand III (représentant l'empereur), Maria Letizia Ramolino, Joseph Bonaparte et Hortense de Beauharnais.