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25 mai 2015

Batailles Napoléoniennes - Campagne de Russie

La campagne de Russie est une campagne militaire menée par l’empereur Napoléon Ier en 1812. Après avoir conquis presque toute l’Europe, Napoléon entreprend de conquérir la Russie de l’empereur Alexandre Ier.


Jusqu’à la prise de Moscou, face à une armée impériale russe inférieure en nombre au début de l’invasion, l’avantage est aux forces napoléoniennes. Mais le prince russe Mikhaïl Koutouzov, général en chef, relève le moral de son armée et l’encourage à mener une contre-offensive, en organisant le harcèlement de la Grande Armée lors de la retraite française. C'est ainsi que les maladies, l’hiver, mais aussi les soldats et la population russes, sont responsables de la défaite de Napoléon en Russie.

Les guerres napoléoniennes ont profondément marqué la culture russe. La campagne de Russie a été relatée par Léon Tolstoï dans son célèbre roman historique Guerre et Paix, ainsi qu’évoquée par Piotr Ilitch Tchaïkovski dans son Ouverture 1812. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’invasion allemande de l’Union soviétique a été mise en parallèle avec la campagne de Russie.

Causes
Au moment de la campagne, Napoléon était au sommet de son règne avec toutes les nations d’Europe continentale sous son contrôle (à l'exception notable de la péninsule ibérique), ou sous le contrôle de nations vaincues par son empire et évoluant sous des traités favorables à la France. Aucun pouvoir européen du continent n’osait alors s’élever contre lui. En 1807, le traité de Tilsit règle la paix entre l’Empire et la Russie. Alexandre espérait à travers le général Caulaincourt un traité interdisant le rétablissement de la Pologne. Napoléon désavoua Caulaincourt, et marqua alors la rupture de confiance avec Alexandre. Ainsi, le traité de paix avec l’Autriche de 1809 contint une clause annexant la Galicie au profit du grand-duché de Varsovie. La Russie considérait cette clause comme allant à l’encontre de ses intérêts et la Pologne comme le point de départ éventuel d’une invasion de son territoire.


La Russie, alors dotée d’une industrie manufacturière faible, mais riche en matières premières, souffrait du blocus continental qui la privait d’une partie de son commerce, de ses ressources et de revenus pour acheter des biens manufacturés. La levée du blocus par la Russie mit Napoléon en rage et l’encouragea dans la voie de la guerre. Son mariage avec Marie-Louise d'Autriche, auquel Alexandre refusa de participer, renforça aussi la défiance à l’égard de la Russie, alors qu’un peu plus tôt, un mariage, qui aurait concrétisé l’alliance franco-russe, avec la sœur d’Alexandre, la princesse Catherine, avait été envisagé. En réalité, des militaires dans l’entourage du tsar élaboraient des projets de guerre contre la France dès le début de l’année 1810.
Il était clair pour eux qu’il s’agirait d’une guerre d'agression destinée à renverser l’ordre établi en Europe par Napoléon. Au début de l’année 1811, le tsar contacta son ancien ministre et ami le prince Adam Jerzy Czartoryski pour le persuader d’inciter les Polonais du duché de Varsovie à soutenir une invasion russe. Il fit aussi des propositions d’alliance offensive à l’empire d'Autriche et au royaume de Prusse. Parallèlement, Alexandre concentra des troupes aux frontières du duché de Varsovie, faisant venir des divisions de Finlande et du front ottoman. Alerté par les Polonais et ses ambassadeurs en Suède et à Constantinople, Napoléon, surpris de ces préparatifs de guerre, se mit à renforcer ses troupes en Allemagne et en Pologne, qu’il était encore en train d’évacuer depuis leur déploiement pendant la guerre de 1809.
Contrairement à une idée reçu, Napoléon se serait montré ouvert à un traité commercial franco-russe prenant en compte les besoins de l’économie russe. Ce n’est qu’après le décret russe sur les tarifs douaniers, que Napoléon, suspend l’importation de bois de marine de Russie, dont il avait besoin pour la reconstruction de sa marine.

Dénomination
La campagne de Russie de 1812 est connue en Russie sous le nom de « guerre patriotique », en russe Отечественная война, Otetchestvennaïa Voïna11 ou « guerre de 1812 ».


La Grande Armée
La Grande Armée est forte de 680 000 hommes, dont 440 000 franchissent le Niémen, ce qui en fait la plus grande armée européenne jamais rassemblée. Au nord-est de l'actuelle Pologne, l'armée commence à franchir le fleuve Niémen dans le 24 juin 1812 et se dirige vers Moscou.


À la fin juin, la Grande Armée se répartit comme suit, du nord au sud :
  • Le maréchal d'Empire MacDonald avec son Xe corps d’armée (~29 100 hommes), incluant le contingent prussien, à Tilsit. La mission de cette force était de prendre Rīga et de se diriger vers Saint-Pétersbourg.
  • L’empereur Napoléon Ier, avec la Garde impériale (~30 500 hommes), sous Mortier, Lefebvre et Bessières, le Ier corps d’armée (~66 000 h.) de Davout14, le IIe corps d’armée (~40 000 h.) d’Oudinot, le IIIe corps d’armée (~37 800 h.) de Ney et la réserve de cavalerie (~20 800 h.) sous Murat avec les Ier et IIe corps de réserve de cavalerie de Nansouty et Montbrun ; le tout concentré devant Kovno. Cette force centrale avait pour but d’engager et détruire la principale armée russe (la 1re armée de l’Ouest) sous Barclay de Tolly.
  • Eugène avec son IVe corps d’armée (~45 000 h. dont environ un tiers d’Italiens), le VIe corps d’armée (bavarois) (~23 600 h.) de Gouvion-Saint-Cyr et le IIIe corps de réserve de cavalerie (~6 800 h.) de Grouchy ; le tout concentré à l’arrière et à droite de la force de Napoléon. Les ordres d’Eugène étaient de maintenir le contact avec les unités plus au sud et de protéger la force principale contre une attaque de la 2e armée de l’Ouest russe de Bagration.
  • Jérôme avec le Ve corps d’armée (polonais) (~34 600 h.) de Poniatowski, le VIIIe corps d’armée (westphalien) (~16 700 h.) de Vandamme et le IVe corps de réserve de cavalerie (à moitié polonais, un quart saxon et un quart westphalien) (~7 300 h.) de Latour-Maubourg ; le long du Niémen au sud-ouest de Grodno. Cette force était supposée engager la 2e armée de l’Ouest russe de Bagration.
  • Reynier avec son VIIe corps d’armée (saxon) (~18 500 h.) près de Bialystok. Ce corps devait maintenir la jonction entre Jérôme et Schwarzenberg.
  • Schwarzenberg avec son XIIe corps d’armée (autrichien) (~32 900 h.) près de Lublin. Ce corps était supposé couvrir le Sud de la Pologne contre une invasion russe à partir de l’Ukraine (la 3e armée de l’Ouest (ou d’Observation) russe de Tormassov s’y trouvait).
  • En Prusse le IXe corps d’armée (un tiers polonais et un tiers allemand) (~25 000 h. au 31 août) de Victor et le XIe corps d’armée (largement composé d’unités de dépôt et de réserve) (~28 000 h. au 15 août). Ces deux corps s’occuperaient de la garnison de la Prusse et de la Pologne et augmenteraient la Grande Armée en Russie si nécessaire.
  • 1 200 pièces d’artillerie.
  • plus de 180 000 chevaux (de cavalerie, d’artillerie, de trait).
À cela s’ajoutent 80 000 Gardes nationaux, engagés par conscription pour défendre la frontière impériale du duché de Varsovie. En comptant ceux-ci, l’effectif total des forces impériales françaises sur la frontière russe et en Russie atteint environ 771 500 hommes. Cet énorme déploiement de troupes pénalise grandement l’Empire, en particulier si l’on considère les 300 000 Français supplémentaires se battant dans la péninsule ibérique et les plus de 200 000 hommes en Allemagne et en Italie.
Le gros de l’armée se compose de 450 000 Français, les alliés de la France formant le reste. En plus du corps d’armée autrichien détaché sous les ordres de Schwarzenberg, on compte environ 95 000 Polonais, 90 000 Allemands (24 000 Bavarois, 20 000 Saxons, 20 000 Prussiens, 17 000 Westphaliens et quelques milliers d’hommes venus de plus petits États rhénans), 25 000 Italiens, 12 000 Suisses, 4 800 Espagnols, 3 500 Croates et 2 000 Portugais. À cela s’ajoutent des contingents néerlandais et belges. Chaque nationalité du vaste empire napoléonien est représentée.


L'armée impériale russe
Si l’on en croit les estimations les plus récentes, l’armée impériale russe qui lui fait face est moins nombreuse, du moins au début de la campagne. Environ 280 000 Russes sont déployés sur la frontière polonaise (en préparation de l’invasion prévue du satellite français qu’était le grand-duché de Varsovie). Au total, l’armée russe compte plusieurs centaines de milliers d'hommes au début de la guerre (les estimations vont de 350 000 jusqu’à 710 000).

Ceux-ci se répartissent en trois armées :
  • la première armée de l’ouest (commandée par le général Mikhail Barclay de Tolly : six corps d’armée d’infanterie, trois de cavalerie de réserve, dix-huit régiments de cosaques : quelque 159 800 hommes et 558 pièces d’artillerie,
  • la deuxième armée de l’ouest (commandée par le général Bagration) : deux corps d’armée d’infanterie, un de cavalerie de réserve, neuf régiments de cosaques du Don : 62 000 hommes et 216 pièces d’artillerie,
  • la troisième armée de l’ouest (ou d’observation), (commandée par le général Tormassov) : trois corps d’armée d’infanterie, un de cavalerie de réserve, neuf régiments de cosaques : 58 200 hommes et 168 pièces d’artillerie.
Deux corps de réserve, un de 65 000 hommes et un autre de 47 000 hommes, soutiennent ces trois armées. D’après ces chiffres, l’armée russe qui fait immédiatement face à Napoléon compte quelque 392 000 hommes. De plus, la paix est assurée avec la Suède et l’Empire ottoman pour Saint-Pétersbourg, ce qui libère plus de 100 000 hommes, (du Corps de Finlande de Steinheil (ru) et de l’armée du Danube de Tchitchagov). Des efforts sont faits pour grossir les armées russes et, en septembre, l’effectif est porté à environ 900 000, sans compter les unités cosaques irrégulières, qui apportent probablement 70 000 ou 80 000 hommes au total.

La marche sur Moscou
Le 23 juin 1812, l'essentiel de l'armée est regroupée près du fleuve Niémen ; depuis son quartier général de Wilkowiski, Napoléon fait annoncer à ses soldats.
Napoléon avait envoyé une dernière offre de paix à Saint-Pétersbourg peu avant d’entamer les opérations. Ne recevant pas de réponse, il ordonne d’avancer en Pologne russe.


Le quartier général de l’armée française passe le Niémen vis-à-vis Kowno. L’armée se compose de dix corps commandés, le premier par le maréchal Davout, le deuxième par le maréchal Oudinot, le troisième par Ney, le quatrième, sous le nom d’armée d’Italie, par le prince Eugène de Beauharnais, le cinquième par Poniatowski, le sixième par Gouvion-Saint-Cyr, le septième par le général Reynier, le huitième par le général Vandamme, le neuvième, dont les cadres seuls sont formés, par le maréchal Victor, le dixième par le maréchal Macdonald. La vieille garde est commandée par le maréchal Lefebvre, la jeune par le maréchal Mortier, la réserve de cavalerie par Murat. La cavalerie de la garde de Bessières agit à part.

Un corps auxiliaire de 30 000 Autrichiens marche séparément. Dans cette nombreuse armée, les Français figurent pour 270 000 combattants. L’armée russe est forte, tant infanterie que cavalerie, de 360 000 hommes, sans compter deux corps qui se forment, l’un en Lituanie et l’autre à Rīga.

Le temps se gâte dès le 24 juin : huit jours d’orage, suivis de la canicule. L'été russe décime la Grande Armée. Couverts de poux, les hommes ont faim. Les chevaux meurent, les pouilleux meurent du typhus et des dysenteries provoquées par les eaux polluées. La discipline se relâche. Les chevaux rongent la paille des chaumières et l'écorce des arbres. Une grande partie de la cavalerie est mise à pied.

Les troupes françaises font leur entrée à Wilna (Vilnius), ancienne capitale de la Lituanie. Les Russes, en se retirant, détruisent tout ; ils livrent aux flammes d’immenses magasins, 150 000 quintaux de farine, des fourrages, des habits ; ils jettent dans la Vilnia une grande quantité d’armes.

Au départ, la Grande Armée ne rencontre aucune ou peu de résistance et avance rapidement en territoire ennemi. Les Russes offrent seulement une résistance sporadique et Barclay, le commandant en chef, refuse le combat malgré les instances de Bagration, sachant qu’il ne peut battre les Français lors d’une bataille rangée. À plusieurs reprises, il tente d’établir une position défensive forte, mais à chaque fois l’avance française, trop rapide pour lui permettre de finir les préparatifs, le force à battre en retraite. Ceci est souvent considéré comme un exemple de politique de la terre brûlée : en réalité, la retraite russe ne faisait pas partie d’un plan établi pour attirer les Français dans les terres russes où l’hiver et le manque de provisions suffisantes contribueraient à les anéantir, mais plutôt de l’impossibilité pour les commandants russes de trouver une occasion de combat dans des conditions favorables, en raison de la vitesse et de la puissance de l’avance française.

Le 14 juillet, l’empereur Alexandre Ier se montre à Moscou pour exciter le zèle et le courage de ses habitants.

Le 28 juillet, les Français entrent à Vitebsk. Les Russes continuent à se replier. La Grande Armée les suit sans trouver l’occasion de combattre. Enfin, ils arrivent sous les murs de Smolensk, ville russe, entourée de murailles de trois mètres d’épaisseur, flanquée de tours. À ces fortifications fort massives, on venait d’ajouter d’autres ouvrages exécutés avec soin et bien entretenus. Barclay de Tolly avait jeté dans la place 30 000 hommes, et il se tenait en bataille sur les deux rives du Dniepr, communiquant avec la ville par des ponts.

Les pressions politiques sur Barclay pour entamer le combat et la constante réticence du général (vue par la population comme un signe d’intransigeance) lui valent de perdre sa position de commandant en chef pour être remplacé par le populaire et haut en couleurs Koutouzov. Malgré sa rhétorique opposée, il suit la voie de Barclay, voyant tout de suite qu’affronter les Français en bataille rangée reviendrait à sacrifier son armée inutilement. Ce vieux général, vainqueur des Turcs, avait solennellement promis de couvrir Moscou, la ville sainte, et d’anéantir l’armée française. Il finit par réussir à établir une position défensive à Borodino (à la suite d'un affrontement indécis à Smolensk du 16 au 18 août).

Échec stratégique vers Saint-Pétersbourg
Pendant que l’armée principale s’enfonce, au centre, dans l’immense plaine russe en direction de Moscou, au nord MacDonald échoue avec le Xe corps d’armée franco-prussien à s’emparer de Riga, assiégée en vain. Puis le IIe corps d’armée d’Oudinot est repoussé par Wittgenstein à deux reprises en direction de la capitale russe sur la Néva où s’est réfugié Alexandre Ier : le 1er août à Kliastitsy sur la route entre Minsk et Pskov, puis le 18 août à Polotsk, tout ceci à moins de 300 km au sud de Saint-Pétersbourg. Désormais le IIe corps perd tout caractère offensif et reçoit l’ordre de se retrancher le long de la Dvina.

  • Ces échecs, s’ils passent assez inaperçus et semblent peu décisifs, ont eu de très graves conséquences pour Napoléon :
  • ils isolent la progression de l’armée principale en route vers Moscou, désormais seule à avancer, ceci d’autant plus imprudemment que Schwarzenberg, censé protéger son flanc sud avec le XIIIe corps autrichien, lui, s’est bien gardé de s’enfoncer profondément vers l’est ;
  • ils obligent Napoléon à surveiller particulièrement son flanc nord pour maintenir ses lignes arrières, mission qu’il confie à Gouvion-Saint-Cyr et consistant désormais à tenir défensivement la ligne sur le fleuve Dvina ;
  • ils redressent le moral et renforcent la ténacité des russes, incapables encore de s’opposer directement à l’Empereur, mais qui savent ses généraux plus vulnérables, et qui peuvent légitimement penser qu’ils auront leur heure, tôt ou tard ;
  • ils donnent un caractère non décisif, voire simplement tactique, aux batailles de Smolensk et de La Moskova/Borodino, l’ennemi russe, repoussé à chaque fois, n’étant pas globalement déstabilisé, ni à présent déstabilisable ;
  • ils contribuent sans doute enfin à rendre infructueuses les offres de paix de Napoléon, une fois Moscou conquise, Alexandre Ier ne se sentant nullement menacé en son palais de Saint-Pétersbourg.
Que serait-il advenu si Oudinot, au lieu de laisser figer son corps d’armée à Polotsk, avait bousculé Wittgenstein, et était parvenu fin août en vue de la Neva ?
D’ailleurs au moment où Napoléon va quitter Moscou, Wittgenstein qui s’est renforcé, enfonce Saint-Cyr encore à Polotsk, et franchissant le Dvina menace la route principale de Moscou à Vilnius, rendant plus incertaine encore la retraite de la Grande Armée.


Bataille de Smolensk
Le 17 août 1812, à une heure de l’après-midi, Napoléon donne le signal de l’attaque. Les faubourgs, retranchés et défendus par la grosse artillerie, sont enlevés ; les remparts, ainsi que les masses postées sur la rivière, sont foudroyés. Les Russes, après des efforts désespérés de résistance, mettent le feu à la ville et l’abandonnent, laissant d’immenses magasins, 12 000 hommes tués, blessés ou prisonniers, et 200 pièces de canon.


À la suite de cette victoire, l’Empereur se met à la poursuite des Russes, qu’il pousse vivement jusqu’à Valutino, plateau sur lequel leur arrière-garde prit position le 19 août. Murat et Ney l’attaquent et la mettent en fuite après lui avoir fait éprouver de grandes pertes. Valutino donna son nom à une nouvelle victoire française.

En même temps, et sur divers points, il y a plusieurs combats où les armées de l’Empire connurent diverses fortunes : le 6e corps, commandé par Gouvion-Saint-Cyr, battit Wittgenstein lors de la première bataille de Polotsk, lui tua 2 000 hommes, en blessa 4 000, lui fait un grand nombre de prisonniers, parmi lesquels trois généraux, et s’empara de 20 pièces de canon, mais Wittgenstein organise une contre attaque et Gouvion-Saint-Cyr fut obligé de se retirer.

Après l’affaire de Valutino, poursuivant l’ennemi, la Grande Armée arrive à Gjat, où il lui est permis de prendre quelques jours de repos et se préparer à la grande bataille que l’Empereur juge imminente.

Bataille de la Moskova
C’est le 7 septembre 1812 qu’est livrée la bataille appelée, par les Français, de la Moskova, et par les Russes de Borodino, parce que l’action a lieu sur le plateau qui domine ce village.
Napoléon harangue ainsi ses troupes :
« Soldats ! Voilà la bataille que vous avez tant désirée. Désormais la victoire dépend de vous ; elle nous est nécessaire, elle vous donnera l’abondance, de bons quartiers d’hiver et un prompt retour dans la patrie. Conduisez-vous comme à Austerlitz, à Friedland, et que la postérité la plus reculée cite avec orgueil votre conduite dans cette journée ; que l’on dise de vous : « Il était à cette grande bataille livrée sous les murs de Moscou ». »


La veille et pendant la nuit il a plu. À cinq heures, le soleil se lève sans nuage : « Soldats ! — s’écrie Napoléon — voilà le soleil d’Austerlitz ! » Cette exclamation passe de rang en rang et remplit les troupes d’ardeur et d’espérance.

Les deux armées comptent chacune de 120 à 130 000 hommes. Un coup de canon tiré par les Français donne le signal, et l’action s’engage sur toute la ligne. Après quatre heures de combats opiniâtres, pendant lesquels 1 200 bouches à feu tirent, trois redoutes sont enlevées par le prince Eugène, les maréchaux Davout et Ney. Toutes les batteries russes sont successivement assaillies et enlevées. La plus formidable de leurs redoutes est emportée par les cuirassiers français.

Après avoir détruit par la mitraille la plus grande partie des masses qui résistent à son entrée, Napoléon fait manœuvrer le 8e corps et toute la droite pour tourner la dernière position des Russes. Il ordonne à la garde et à toute la cavalerie de soutenir ce mouvement. Eugène se porte en avant de la Kalogha, et dès ce moment l’issue de la bataille est certaine. À la tombée de la nuit, l’armée russe opère sa retraite en bon ordre vers Mojaïsk, laissant sur le champ de bataille 45 000 hommes hors de combat, dont 25 généraux et 15 pièces de canon. Les pertes des Français sont évaluées à 28 000 hommes tués ou blessés, dont 49 généraux.

On estime que 120 000 coups de canon ont été tirés durant l’action. Napoléon reste sur le champ de bataille, donnant des ordres pour faire transporter les blessés, tant russes que français, dans les hôpitaux établis sur ses lignes de retraite.
C’est aussi une des journées les plus sanglantes des guerres napoléoniennes. L’armée russe fait retraite le 8 septembre avec la moitié de ses forces, laissant ouverte la route de Moscou, que Koutouzov ordonne d’évacuer.


L’armée française victorieuse se met à la poursuite des Russes. Napoléon transporte son quartier général à Mojaïsk, ville située à vingt-six lieues à l’ouest de Moscou, que les Russes ont incendiée puis abandonnée.
À partir de là, les Russes rassemblent leur armée, qui atteint son effectif maximal, soit 904 000 hommes avec peut-être 100 000 hommes au voisinage immédiat de Moscou (les survivants de l’armée détruite à Borodino, en partie renforcée). La capacité des Russes à renouveler rapidement leurs effectifs est un avantage décisif à la fin de la campagne.


La prise de Moscou
Le 13 septembre, Koutouzov, conscient que le repli systématique s'est révélé plus efficace que l'affrontement classique, réunit son état-major lors de la conférence de Fili. L'assemblée convient qu'il faut abandonner Moscou.


Le 14 septembre (2 heures après midi), l’Empereur fait son entrée dans l’ancienne capitale de la Moscovie, avec sa garde et le premier corps. Napoléon entre dans une ville déserte, vidée de toute provision par le gouverneur, Fédor Rostoptchine, père de la célèbre comtesse de Ségur.

Le lendemain il s’établit au Kremlin, palais des tsars, situé au milieu de la ville. Le maréchal Mortier est nommé gouverneur de cette capitale, avec ordre d’employer tous les moyens pour empêcher le pillage. Des secours sont donnés aux blessés russes qui encombrent les hôpitaux, ainsi qu’aux Moscovites qui n’ont pas voulu suivre l’armée de Koutouzov.

En se basant sur les règles classiques de la guerre lors de la prise d’une capitale (même si Saint-Pétersbourg est la capitale à cette époque), il pense que le tsar Alexandre Ier lui offrirait sa capitulation sur le mont Poklonnaïa, mais le commandement russe ne se rend pas.

Un armistice a été accordé aux Russes, et Napoléon, au milieu de ses triomphes, fait proposer la paix à Alexandre : il reçoit des réponses évasives, qui, néanmoins, font espérer qu’on pourrait tomber d’accord. Mais Napoléon et Alexandre ne veulent que gagner du temps, Napoléon pour compléter son armée, Alexandre parce qu’il est persuadé que les grands froids qui approchent vont obliger les Français à évacuer l’empire. Les événements justifient leurs prévisions.

Des feux démarrent à Moscou, et ravagent la ville du 14 au 18 septembre du calendrier grégorien (2 au 6 septembre du calendrier julien). Moscou, construite essentiellement en bois, brûle presque complètement, privant les Français d’abris dans la ville. Les incendies ont pour origine des sabotages russes. À un signal donné, le feu éclate dans mille endroits à la fois. C’est en vain que les Français font tous leurs efforts pour éteindre l’incendie : le ravage des flammes ne s’arrête que dans la soirée du 20 septembre, lorsque les neuf dixièmes de la ville sont en cendres : près de 4 000 maisons en pierre et 7 000 en bois, 20 000 malades ou blessés sont victimes de ce désastre.

Napoléon dit par la suite que s’il avait pu quitter Moscou deux semaines plus tôt, il aurait pu détruire l’armée de Koutouzov qui campait à proximité, à Tarutino. Même si cela n’aurait pas suffi à laisser la Russie sans défense, cela l’aurait privée de sa seule armée concentrée capable d’affronter les Français.

Retraite
Le 18 octobre, la retraite commence. L'armée impériale russe commandée par Koutouzov remporte la bataille de Winkowo sur un corps franco-polonais commandé par le roi de Naples, Joachim Murat.


Siégeant dans une ville en ruines sans avoir reçu la capitulation russe, et face à une manœuvre russe le poussant à quitter Moscou, Napoléon entame sa longue retraite. Il sort de Moscou le 19, et donne l’ordre à Mortier d’abandonner le Kremlin le 23, après l’avoir fait sauter, lui recommandant surtout de ne laisser en arrière ni blessés, ni malades. Dans sa marche rétrograde, l’armée est vivement harcelée par l’ennemi ; des escarmouches éclatent régulièrement.

À la bataille de Maloyaroslavets, Koutouzov peut enfoncer l’armée française sur la même route dévastée qu’ils avaient emprunté à l’aller. En continuant à bloquer le flanc sud pour empêcher les Français de prendre une autre route, Koutouzov déploie à nouveau la même tactique de partisans pour constamment attaquer le trajet français là où il est le plus vulnérable. La cavalerie légère russe, dont les Cosaques montés, attaque et détruit les unités françaises isolées.

Approvisionner l’armée devient impossible : le manque total de fourrage affaiblit les chevaux, presque tous meurent ou sont tués pour nourrir les soldats affamés. Sans chevaux, la cavalerie française cesse d’exister, et les cavaliers doivent marcher. De plus, le manque de chevaux fait que les canons et les chariots doivent être abandonnés, privant l’armée d’artillerie et de soutien logistique. Même si l’armée a pu rapidement remplacer son artillerie en 1813, le manque de chariots crée un immense problème logistique jusqu’à la fin de la guerre, alors que des milliers des meilleurs chariots militaires sont laissés en Russie. Comme la famine, les maladies et le froid extrême s’imposent, les désertions prennent alors de l’ampleur. La plupart des déserteurs sont faits prisonniers par les paysans russes : « La guerre des paysans armés (...) nous fait plus de mal que leur armée (...) » écrit Bourbon-Gravierre, ordonnateur de l'hospice civil.

L'hiver russe
À partir de novembre 1812, l’hiver russe cause de nouveaux tourments à l’armée française : les soldats et les chevaux commencent à mourir de faim, de froid et de fatigue durant la marche.

Contrairement à une idée commune, propagée notamment par le tableau d'Adolphe Northen, Napoléon n'a pas fait tout le chemin de la retraite à cheval, préférant laisser les rares montures restantes aux blessés et aux services médicaux.

Le 7 novembre, alors qu’ils atteignent Smolensk, commencent les grands froids de l’hiver russe ; le thermomètre descend jusqu’à −22 °C et le sol se couvre de neige. Les chevaux non munis de fers à glace périssent par milliers au bivouac et bientôt, les hommes subissent le même sort. Des scènes d'anthropophagie sont décrites par des soldats et des officiers comme le général Sołtyk. Cependant, grâce aux dispositions prises par Napoléon, l’armée avance toujours. Le courage des soldats semble augmenter avec l’étendue des privations et des dangers.

Arrivé à Orcha, Napoléon, sans prendre un moment de repos, s’occupa de rétablir l’ordre que les combats et l’intempérie de la saison avaient dérangé. Il fit faire des distributions de vivres, d’armes et de munitions, et lire, dans les corps d’armée, un ordre du jour qui les rappelait à leurs devoirs, engageant les soldats à marcher en corps, et menaçant de punir ceux qui s’obstineraient à rester isolés. Les désirs de Napoléon furent accomplis, officiers et soldats rentrèrent dans leurs rangs, et avec eux, l’ordre et la discipline. Finalement, l’armée, avançant à marches forcées, arriva le 25 novembre sur la Bérézina, sur laquelle Napoléon fit jeter des ponts dont il présidait les travaux.

Bataille de la Bérézina
La traversée de la rivière Bérézina amène une victoire tactique pour Napoléon quand Koutouzov, décidant que le temps est venu pour une bataille rangée, attaque la partie de l’armée française restée du mauvais côté de la rivière. Les Russes ayant été repoussés, tous les Français en arme peuvent franchir les ponts. Seuls restent de l’autre côté les malades, les blessés et les déserteurs ; ceux-là même qui, par abattement et désespoir, ont refusé de passer les ponts durant la nuit précédant la bataille et qui ensuite se sont bousculés dans une cohue indescriptible au dernier moment (d’où l’expression proverbiale : « c’est la Bérézina »). Certains se noient dans la rivière, en tentant de la traverser à pied, car l’épaisseur de la glace n’est pas suffisante pour supporter leur poids.


Début décembre 1812, Napoléon apprend que le général Malet a tenté un coup d'État.
Avant d'atteindre Vilnius, à Smorgonie, le 5 décembre, Napoléon tient un grand conseil de guerre, donne ses instructions et le commandement des troupes à Murat, et part pour Paris, abandonnant son armée et rentrant en traîneau. Murat déserte plus tard pour sauver son royaume de Naples, laissant le vice-roi d'Italie et premier beau-fils de Napoléon, Eugène de Beauharnais, aux commandes.


Vilnius évacué, dans l'escarpement de Ponary sur la route vers Kaunas, la pente glacée fut fatale : dans sa dépêche à l'Empereur, Berthier écrit « ce fut là le moment de la perte définitive de toute l'artillerie, des fourgons et de tous les bagages ». Au cours des semaines suivantes, les restes de la Grande Armée se réduisent encore, et le 14 décembre 1812 ils sont expulsés du territoire russe.

Les pertes humaines
Les dernières recherches sérieuses sur les pertes de la campagne de Russie sont données par Thierry Lentz. Du côté français, le bilan est d’environ 200 000 morts (la moitié au combat et le reste de froid, de faim ou de maladie) et de 150 000 à 190 000 prisonniers tombés entre les mains de Koutouzov. Pour le reste, 130 000 soldats quittèrent la Grande Armée au cours de la marche sur Moscou et près de 60 000 se réfugièrent chez des paysans, nobles et bourgeois russes. Enfin, moins de 30 000 soldats repassèrent le Niémen avec Murat. Côté russe, les récentes publications d’Oleg Sokolov tendent à établir les pertes à 300 000 morts dont 175 000 au combat, ce qui est très important, mais, selon Thierry Lentz, invérifiable en l’état des études disponibles. Enfin, malgré des actes de générosité des deux côtés, les prisonniers qui tombèrent entre les mains des Français ou des Russes furent globalement maltraités.


Après la chute de Napoléon, le rapatriement demandé par Louis XVIII des Français restés en Russie fut globalement un échec, car les candidats au retour furent peu nombreux. Plusieurs milliers de Français firent souche dans le pays des Tsars. En 1837, 3 200 vivaient à Moscou par exemple. Parmi ceux qui restèrent en Russie, le soldat de la Grande Armée Jean-Baptiste Savin, devenu par la suite Mikhail Andréïevitch Savine, serait mort à Saratov en 1894 à l’âge de 123 ans.

Évaluation historique
Cette campagne révèle que Napoléon a grandement sous-estimé l’ampleur des difficultés qui l’attendaient, lui et son armée :

  • sous-estimation de la logistique ;
  • sous-estimation des aléas climatiques ;
  • tactique de la terre brûlée des Russes, etc.
L'échec de la campagne de Russie en 1812 marque un coup d’arrêt sévère aux ambitions de domination européenne de Napoléon. Comme la défaite de la puissance navale française à la bataille de Trafalgar en 1805, la campagne russe est un tournant décisif des guerres napoléoniennes qui mène, en fin de compte, à la défaite de Napoléon et son exil sur l’île d'Elbe.

Pour la Russie, le terme guerre patriotique est un symbole renforçant l’identité nationale, qui a un grand impact sur le patriotisme russe du xixe siècle. Le résultat indirect du mouvement patriotique des Russes est un fort désir de modernisation du pays qui se traduit par une série de révolutions, commençant avec la révolte des Décembristes et finit avec la révolution de février 1917.

Napoléon n’est pas complètement défait en Russie. L’année suivante, il lève une armée d’environ 400 000 soldats français soutenue par 250 000 soldats des pays alliés aux Français, pour disputer le contrôle de l’Allemagne lors d’une campagne encore plus grande. Ce n’est que lors de la bataille de Leipzig (la bataille des Nations, 16 au 19 octobre 1813) qu’il est vraiment défait, mais même la campagne de France en 1814 est indécise.

Malgré tout, la campagne de Russie révèle que Napoléon n’était pas invincible. Sentant la bête blessée et poussés par les nationalistes prussiens et les commandants russes, des nationalistes allemands se soulèvent à travers la Confédération du Rhin et la Prusse. La décisive campagne d’Allemagne n’aurait pas pu avoir lieu sans le message de la défaite de Russie propagé dans le monde.

Liste des commandants de l’armée russe
  • Mikhail I. Koutouzov - commandant en chef
  • Michel Barclay de Tolly - ministre de la Guerre
  • Peter Wittgenstein - commandant de l’aile droite
  • Piotr Bagration - commandant de l’aile gauche
  • Nikolaï N. Raïevski - commandant russe majeur
  • Dmitri S. Dokhtourov - commandant russe majeur
  • Mikhaïl A. Miloradovitch - commandant russe majeur
  • Alexandre I. Ostermann-Tolstoï - commandant russe majeur
  • Alexeï P. Iermolov - général russe
  • Alexandre Michaud de Beauretour - général sarde rallié aux Russes
  • Mikhaïl S. Vorontsov - général russe
  • Matveï I. Platov - ataman des Cosaques du Don
  • Pavel V. Tchitchagov - ministre de la Marine en 1802 - commandant de l’armée de Moldavie